«Lord knows I tried to find a way to runaway.»

Il faisait doux pour un jour d’Automne. Les rayons du soleil dansaient sur les feuilles de ce charmant saule pleureur, le vent faisait valser les cheveux bruns de Vivaldi, qui était éprise dans le tourbillonnement de son art. C’était une très belle journée. Pourtant, sa vie ressemblait plus à une tempête sans fin depuis qu’elle avait appris, quelques jours auparavant, la tragique maladie de sa sœur. Une larme coula lentement sur son visage à mesure que son violon arrêta de jouer sa peine. Elle jeta un œil à sa montre, pour lire qu’il était bientôt quatorze heures. Elle allait devoir se lever, sécher ses larmes et rejoindre sa mère qui l’attendait devant leur vieille maison délabrée par le temps. C’était un jour comme les autres en réalité. Alors que des jeunes filles modèles et bien nourries se rendaient à leur école, Vivaldi allait dans la petite rue qui joignait la gare afin de faire la manche muni de son Violon et de sa mère pour danseuse. C’était un jour comme les autres, oui, mais leur vie avait définitivement changé. Ils étaient tous dévastés, mais Vivaldi était persuadée que personne ne pouvait davantage l’être qu’elle. Sa sœur était tout pour elle, comme un joyau incrusté dans une couronne, elle ne s’imaginait pas vivre sans elle. Alors, elle s’acharna à l’œuvre, jouant les plus dures et les plus belles musiques. Elle pensait que cela pouvait peut être incité les gens à être plus généreux sur les pourboires. Sauf qu’il n’en était rien.

En rentrant chez elle, Vivaldi se sentait prête à tout pour venir en aide à sa sœur. Tout était le mot exact. Elle savait que ce n’était pas ses pauvres centimes qui allaient soigner sa sœur, bien qu’elle voulait garder espoir. Demain, il irait rendre une petite visite aux sorciers. Puisque la maladie de Zephira était incurable, il n’y avait que la magie qui pouvait sauver son âme. Il était très tôt dans la matinée lorsque Vivaldi se rendit chez les sorciers. Tout le monde dormait encore dans la maison, et elle pensait revenir avant qu’ils ne se réveillent. Elle leur demanda toute sorte de potion qui pourrait éventuellement arrêter la maladie ou du moins la ralentir. Malheureusement, la jeune femme n’avait pas un sou en poche. D’un regard charmeur et sûr d’elle, elle affirma leur rendre l’argent la fois prochaine, sans faute. Elle savait très bien au fond d’elle qu’elle ne pourrait jamais rembourser une telle somme, mais elle réussit quand bien même à les convaincre.

En rentrant chez elle, sa famille était encore dans les bras de Morphée. Elle décida de préparer le petit-déjeuner, comme ça elle pourrait verser quelques gouttes de ses potions dans le thé de Zephira. Elle fit ça tous les jours de la semaine, et remarqua que l’état de sa sœur s’améliorait. Elle en était tellement heureuse. Jusqu’au jour où les sorciers vinrent passer un accord avec la jeune femme très endettée. Vivaldi devint alors leur cobaye, testant toutes leurs expériences sur le corps de la jeune femme. Celle-ci en présentait encore les marques ; Une potion mal préparée l’avait à tout jamais privé de vieillesse, la condamnant à rajeunir jusqu’à sa fin. Sa famille n’en savait rien, et Vivaldi pouvait continuer à soigner sa très chère sœur. Jusqu’au jour où les sorciers, surement lassés de leurs petites expériences, vinrent s’emparer de la jeune femme pour la faire Reine du royaume. Depuis, elle vivait un Enfer au quotidien. Elle devait faire preuve de cruauté, d’autorité et ne pouvait échapper à son sort, car elle était prisonnière des sorciers. Cependant, son masque commençait doucement à s’imprégner à sa peau. Elle avait besoin d’être sauvée, très rapidement, avant que sa pauvre personne ne s’éteigne pour laisser place à une Reine tyrannique dépourvu de toute humanité.

Pour supporter son quotidien, la jeune femme écrivait ses journées et ses pensées dans un petit carnet. En cette soirée pluvieuse et monotone, assise sur son immense lit recouvert de magnifiques parures, elle commençait à rédiger son compte rendu :

« Mercredi 24 Octobre 2012,
Cette journée n’était qu’une pâle copie de la précédente ; Les mêmes visages, les mêmes actes répétés et le même masque tatoué sur mon visage. Je me sens lasse de vivre ce quotidien morbide. Ce trône n’est pas le mien. Je ne l’ai jamais désiré et je donnerai tout pour le laisser à qui veuille. Il faut que je trouve le moyen d’échapper à tout ça, car je me sens partir. J’ai l’impression que mon masque colle de plus en plus à ma peau et j’ai peur de devenir cette personne que je déteste moi-même. Aujourd’hui, j’ai été tellement dur avec un homme qui venait seulement me demander une faveur. Le pire dans tout ça, c’est que la cruauté commence à s’emparer de mon âme. Je ne sais plus qui je suis réellement et j’aimerai sauver le peu d’humanité qu’il reste en moi. Pourtant, ce robot insensible et impartial qu’on me demande chaque jour d’être prend de plus en plus de place à l’intérieur. Combien de temps reste-t-il avant que Vivaldi Emigwai disparaisse totalement ? Je me bats pour ne pas laisser ce côté démoniaque prendre parti de mon cerveau mais cela devient un peu plus dur chaque jour. Je gagne en assurance, de la confiance en moi et pourtant j’ai ce sentiment de perdre des parcelles de ma personnalité de minute en minute.
Ma sœur me manque terriblement. Ca m’en déchire le cœur. Elle seule pourrait me rattacher à la fille que j’étais avant. Elle seule pourrait me sauver, mais je n’arrive pas à la trouver. Je ne veux pas croire qu’elle est mort, c’est impossible, je sais au plus profond de mon être que je le saurais si son cœur s’était arrêté de battre. Je continuerai de me battre pour elle, pour moi, pour ce que j’étais.
Vivaldi. »

«Be my friend, hold me, warm me up, unfold me, I am small, I'm needy, warm me up and breathe me...»


Bien que Vivaldi était mal intérieurement, le statut de Reine lui accordait bon nombre de privilèges: elle ne souffrait plus de la famine, pouvait prendre des bains quand bon lui semblait, dormait dans de beaux de draps. Cependant, elle manquait d'amis, d'une oreille attentive. Mais qui comprendrait? Qui pourrait accepter, sans broncher une seule fois, devant les plaintes d'une Reine insatisfaite? Sans s'attarder sur ces détails, il faudrait déjà trouver une personne digne de confiance. C'était le plus important, et une chose probablement impossible. A peine remis de la perte d'un être qu'elle considérait comme son ami et qu'il l'avait depuis tout ce temps manipulé, elle ne savait quoi penser de tout cela. Elle avait certes à l'esprit des visages qui l'incitaient à sortir de son silence mais son quotidien ne faisait que la renfermer davantage. Heureusement que Hunter était là. A sa simple pensée, la jeune femme se sentait déjà mieux, comme si un léger courant chaud s'était inséré dans ses veines et avait détruit ce froid qui la consumait. Il était tout pour elle, elle devait se l'avouer. C'est grâce à lui qu'elle gardait la tête hors de l'eau chaque jour et qui l'aide à retrouver sa soeur. Elle lui en serait éternellement reconnaissante.