« Tu seras quelqu’un à part, ma fille. » C’était les premiers mots qu’elle avait entendu lorsqu'elle était à peine un nouveau-né. Bien trop petite pour s’en rappeler, Reina n’aurait pourtant pu être que d’accord avec cette phrase.
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Assise dans le grand salon habillée de façon très courte et les cheveux légèrement décoiffés, je sirote tranquillement mon verre d’alcool en observant mes collègues et amies s’affairer avec des hommes ou parfois même des femmes. Je suis légèrement à l’écart attendant que notre patronne vienne me chercher pour mon client de la journée. La chaleur de la pièce est presque étouffante. Rien de plus normal avec ces corps en ébullition et cette odeur de transpiration. Je ne décolle pas de mon siège, observant le spectacle de ces hommes cherchant à tout prix l’amour dans les bras d’une prostituée, savent-ils qu’elles s’en moquent ? Qu’elles ne veulent que de l’argent ? Parfois, j’en doute. Amusée, j’observe une rousse – je ne l’apprécie pas plus que ça – s’affairer sur un homme qui semble plus s’ennuyer qu’autre chose. Rien ne transparaît sur son visage. Rien. Ce doit être le spectacle des autres qui l’excite sinon comment pourrait-il être aussi… éveillé. « Mon petit chat, on te demande dans la pièce habituelle » Je n’ai pas entendu notre patronne approcher et susurrer cette phrase à mon oreille. Je tourne légèrement ma tête vers elle, elle me fait signe d’y aller alors je dépose mon verre éveillant l’homme passif qui tourne son regard vers moi. Je lui lance un sourire avant de m’éclipser dans le couloir.

En passant, j’entends d’autres amies gémir de plaisir, je souris en songeant ce qu’elles m’avaient confié ; une grande majorité simulait. Je comprends pourquoi lorsque parfois on se retrouve avec des clients pas très agréables à regarder et encore moins à toucher. Mais c’est notre métier, on doit s’y faire. Mes pas sont étouffés par l’épais tapis rouge qui orne le sol et les murs sont molletonnés tout avait été fait en fonction des demandes des clients. Il ne fallait pas chercher à comprendre la définition de tout ceci. Mes pas me conduisent dans une pièce un peu spéciale, on me dit qu’elle m’est dédiée puisque c’est là-dedans que j’ai fait mes débuts. À vrai dire, je ne me souviens pas vraiment comment j’ai atterri ici. Je sais simplement ce qu’on m’a raconté : notre patronne m’a trouvé en train d’errer dans la rue, j’avais quinze ans et j’étais couverte de bleu avec une grosse marque de sang séché sur mon front. Elle m’a recueilli, soigné et en échange j’ai travaillé pour elle. Lorsqu’elle m’a interrogé sur mon passé, je n’ai rien pu lui indiquer puisque je ne me souvenais pas d’où est-ce que je venais, ni qui j’étais. Elle avait juste remarqué que j’avais des talents de sorcellerie. Elle-même sorcière, elle m’a un peu éduqué. Pour les clients, j’étais le mystère de ce bordel et ça les a attirés. Et alors que je poussais la porte, un pressentiment me serra le cœur, quelque chose allait changer. Quelques secondes plus tard, mes doutes se sont confirmés. Me voilà face à la reine, je m’incline légèrement intriguée et je dois vous avouer que la suite est totalement floue pour moi. Elle m’a acheté pour elle. Dois-je me sentir flattée de devenir la catin personnelle de la reine ou bien au contraire ? Ma patronne a déjà emballé mes affaires, elle tient mon sac dans sa main et aucune émotion ne se peint sur son visage. Le mien se durcit, je sens la colère m’envahir et surtout, je me sens trahie par les miens.
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« Reina, ma douce Reina, tu es si belle. Si douce. Si jeune. » J’ai juste envie de vomir. Je ne supporte plus ses doigts sur ma peau, sa voix de crécelle contre mon oreille et son odeur absolument dégueulasse. Qu’on me sorte de ce palais, je n’en peux plus je craque. Ça fait trois ans que je suis son jouet personnel et sujet aux moqueries des autres. Encore, les moqueries, ce n’est pas ça qui me fait le plus mal, non, le pire c’est d’attendre le ventre noué son arrivée. Je regrette tellement le jour où elle est venue me chercher, j’aurai du m’enfuir.
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Les années passèrent, Reina vieillissait de jour en jour dégoûtant de plus en plus la reine de l’époque. Bientôt, elle fut oubliée, abandonnée dans un coin. Plus personne ne se tournait sur son passage ou ne regardait la magnifique chevelure dorée qu’elle possédait. Maintenant, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même, vacant dans le palais comme un fantôme, désespérant lorsqu’elle se voyait dans un miroir, les cheveux ternes et gris, la peau qui commençait à se rider. Puis, un évènement vint bouleverser son quotidien, il se résume en un prénom : Vivaldi. Elle avait renversé l’ancienne reine et avait décrété que toute personne l’ayant servi méritaient la mort. Reina s’était sentie en danger. Très en danger. Mais comment quitter le palais en passant inaperçu ? La solution était simple, des chimistes s’étaient amusés à créer des potions de rajeunissement, Reina usa de son pouvoir et vola quelques flacons. Non seulement, elle pourrait partir d’ici et refaire sa vie ailleurs, mais en plus, elle pourrait retrouver son visage d’antan.
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Quelle joie, quel bonheur. Dans ce miroir se tient celle que j’étais il y a des années de cela. Je ne peux empêcher un sourire venir éclairer mon visage redevenu si jeune. Pourtant ce moment fut de courte durée, des pas approchent dans le couloir et je sais ce que cela signifie : les gardes de la nouvelle reine sont venus pour moi. Ils ont déjà tué un bon nombre de personnes. J’entends encore leur supplication et leurs cris. Ils me font frissonner. J’attrape mon baluchon de fortune et me glisse par la fenêtre avant de disparaître dans la nuit. Il n’y a pas à dire j’aime mon pouvoir.

Par la suite, il faut que vous sachiez que j’ai dû faire beaucoup de sacrifice pour apprendre à me débrouiller par moi-même, j’ai hésité à retourner dans le bordel où je vivais étant jeune. Seulement, je pense qu’avec le temps, il a dû disparaître, de plus, je n’ai pas spécialement envie de me retrouver avec un garde de la reine, suffit que l’un d’eux me reconnaisse et je suis foutue.

Je me décide cependant à prendre une chambre miteuse avec les économies qu’il me reste. Plus les jours passent et plus je me dis que j’aurai dû voler un peu plus d’argent à la cour. Après tout, ils ne se seraient aperçus de rien.
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Le Chat du Cheshire. C’est comme ça que beaucoup me surnomme dans le métier. Oui, parce qu’il faut que je vous dise : je suis devenue une chasseuse de prime. Au final, tuer les gens sur contrat c’est ce qui me plaît le plus. J’ai pu éliminer pas mal de personne que je n’aimais vraiment pas. Mais ce n’est pas qu’un surnom, c’est aussi un pouvoir. Un pouvoir qui m’a un peu effrayé au départ. À Wonderland, être quelqu’un ça peut faire peur. Ma mission est de protéger les autres chasseurs de prime et j’avoue que j’aime bien ce nouveau passe-temps, il faut simplement venir me voir un jour où je suis suffisamment de bonne humeur et éviter de me contrarier.