Bel oiseau de la nuit, parmi tout ces courtisants, jamais il n’aurait cru pouvoir rencontrer une telle apparition. Probablement une demoiselle parmi d’autres qui s’est infiltré pour pouvoir goûter aux délices de la richesse et du luxes le temps d’une soirée, peut être même pour trouver un riche mari. Pourtant il y a chez elle quelque chose qui semble la rendre… comment dire, différente ? « Je ne vous confondrais jamais avec votre frère.» Un petit rire s’échappe des lèvres de Gabriel. « Prononcé de cette manière on pourra croire que cela est une offense de nous confondre, mais vous savez même notre mère avait parfois des doutes sur nos véritables identités. » Un mensonge. Quelle étrange chose de mentir à cette inconnue, à moins que ce soit à lui-même ? Il ne sait vraiment. Il aurait aimé qu’on les confonde, mais depuis qu’il est né il y a cet aura qui donne l’impression qu’il n’y a qu’un seul garçon et non deux frères. Lui ? Lui n’était rien, on l’oubliait, un détail sans importance dans le paysage. Cependant l’avouer serait une atteinte à sa fierté, alors il préfère se mentir à lui-même. « Si vous savez qui je suis, je ne peux savoir qui vous êtes. Aurais-je l’honneur de savoir qui est cette étrange demoiselle qui s’est perdu parmi tous ces êtres vils ? » Il se plait à jouer avec elle, il veut savoir qui elle est. Peut être est-ce à cause de ce sentiment de frustration de voir qu’elle sait qui il est et qu’il ne peut en faire autant. « Si...Si je porte un masque, c'est que je ne veux pas que l'on me reconnaisse. » « N’est-ce pas là le propre du masque ? » « Je tiens à rester une inconnue pour tout le monde ici. Certaines personnes ne désirent apparemment pas me voir là. « J’ai malheureusement oublié mon épée chez moi, il me sera donc difficile ce soir d’oxyre ceux qui ne vous désirent pas vous voir ici. Je peux toutefois vous assurez que ceux qui osent émettre un tel désir ne mérite pas de partager les délices de cette fête en votre compagnie. »

Deux regards se croisent, deux âmes se lient. Ne dit-on pas que les yeux sont le miroir de l’âme ? Les siens ont sans aucun doutes réussit à voler la sienne. Rare sont les demoiselles qui arrivent à capter de cette manière son attention, d’habitude il préfère les ignorer, voir les mépriser, les considérer simplement comme des êtres qui inspirent pendant un certain plaisir délicieusement immoral. Toutefois il y avait quelque chose avec elle, pas seulement cette impression de déjà la connaitre, mais bien plus. Il y avait chez elle, là, à l’instant, cette lueur de peur, cette crainte de quelque chose. Il cru aussi voir de la haine qui fut à vrai dire qu’un éphémère instant le faisant douter de sa réel existence. Un trouble incertain. Un sourire furtif. « Désolé, j'ai eu un vertige... Je n'ai pas encore mangé, ça doit sûrement être cela. » Le mot mensonge résonna dans sa tête, pourtant il n’en fit rien et de manière galante s’empressa de lui proposer d’aller dans un lieu où il pourrait être plus au calme et qu’elle pourra calmer sa faim destructrice. Il l’entraina sans lui laisser le temps d’émettre la moindre protestation sur le balcon où des bancs avaient été disposés à l’attention des invités. La fraicheur de la nuit n’était qu’un lointain souvenir qui remontait à plusieurs siècles au château de la reine rouge, les sorciers tenaient à leur confort et tenez que même leur désir le plus ridicule soit appliqué.

Il l’abandonna quelques instants la demoiselle, revenant avec entre les mains un plateau qu’il avait volé à un serviteur remplit de gâteaux et de boissons qui changeaient de couleurs aux grés de leurs envies. « Je ne savais ce que vous désirez vraiment, j’ai donc emprunté ce plateau à un serveur. » S’exclama-t-il d’une voix joyeuse, un peu enfantine, comme un garçon fier de sa mauvaise phrase. Il continua d’un ton toutefois plus inquiet « A moins que vous désirez autre chose. » Il posa le plateau entre eux deux et regarda avec des yeux brillants les gâteaux qui se présentaient à lui. La galanterie avait des limites chez lui et avant même que l’inconnue puisse émettre le désir d’avoir tel ou tel gâteau il s’empara d’une part sur laquelle trônée une fraise entourée de chantilly. Que voulez-vous ? Charmant, il peut aussi se montrer enfantin et ne peut guère résister aux délices des sucreries. Son esprit avait d’ailleurs oublié la pauvre demoiselle qu’il avait entrainé ici sans qu’elle ait le droit de dire ce qu’elle pensait de tout cela. Seul ce gâteau, ce délicieux gâteau compté à ses yeux. Un vrai enfant qui réussissait à se mettre de la chantilly jusqu’au bout de son nez ! Puis il sembla reprendre conscience qu’il n’était pas seul. « Sont-ils à votre convenance ? Pour ma part j’ai toujours trouvé les cuisiners de la Reine Rouge comme les meilleurs de Wonderland, cependant elle n’a jamais voulu m’accorder le plaisir d’engager l’un d’entre eux pour mon salon de thé. » Il reprit une bouchée et continua sur ce ton joyeux qui ne semblait aller avec sa personne. « Je crois qu’un jour j’irais kidnapper l’un d’entre eux ! Ca sera leur tête qui sera coupée si je me fais surprendre et non la mienne, on aime trop mes thés pour vouloir me couper la tête ! »

Il existe chez les êtres des expressions que l’on voit très rarement, des expressions qu’on n’aurait même jamais pensées former sur le visage de certaines personnes. Que ce soit un sourire enfantin, un air rêveur et lointain ou tout simplement un petit sourire en coin sadique. Des petites expressions qui révèlent l’âme de la personne à leur insu. Une phrase, il avait suffit d’une phrase. « Si votre tête était coupée, j'en serais la première attristée. Tachez d'y faire plus attention. » Cela n’est qu’une simple phrase, un trait d’esprit courtois, mais aller savoir pourquoi un sourire un peu niais se glisse sur les lèvres. Il se laisse surprendre par les affres de l’amour pour cette belle inconnue. Pourtant il sait qu’elle dit cela simplement par politesse et qu’elle n’en pense probablement rien. Néanmoins il s’y plairait à y croire. Doucement il pose le gâteau sur la table. Un sentiment de ridicule l’envahie peu à peu. Oh quel délicieux sentiment ! Il la regarde, elle prend le plateau pour le remettre au serveur qui venait oser émettre une plainte. Gabriel poussa un lourd soupire d’agacement pour la forme avec un sourire conquis sur les lèvres. Puis les épines de la jalousie piquèrent son cœur. Pourquoi lui souriait-elle de cette manière ? Il n’avait le droit à ses sourires merveilleux, ils devaient lui être destinés, à lui et uniquement à lui. A personne d’autres. Son regard s'assombrie, il serait si simple de le prendre et de lui faire faire le grand saut par-dessus le balcon. Il lui suffirait de le saisir et de le pousser. Devant tout ses regards avides de drames et tragédies pas un ne fera mine de le retenir, surtout pas pour un serviteur. L’homme dû comprendre les pensées de Gabriel et s’enfonça dans la foule pour disparaitre. Ce n’est que partie remise. Son regard ne se détache pas de cette foule, de par là où il est partit. Il le retrouvera et il le fera payer.

Une main se pose sur la sienne. Il jette un regard quelque peu méprisant à celle ou celui qui a osé le toucher de manière aussi familière, puis ses traits s’adoucissent lorsqu’il vit que cela n’était que cette belle inconnue. « Il y a beaucoup de monde… Voulez vous danser ? Je suis assez maladroite, mais je me débrouille relativement bien tout de même. » Modeste qui plus est. Il enserre sa main, comme si cette danse allait la perdre et l’entrainait au large, loin de lui. « Pardonnez moi mon absence de galanterie, cela aurait dû être moi qui aurait dû vous proposer une danse. » Il se lève et l’entraine avec douceur vers la piste de danse. Si elle est celle qui lui a proposé une valse, c’est à lui de l’emmener. Il y a trop de mondes. Il doit pousser sans vergogne la foule pour lui tracer un chemin. A croire qu’un couple a su capter l’attention et que tous les regards se sont tournés vers eux. Lui n’a d’yeux que pour elle et tout ce qui compte maintenant c’est de pouvoir la prendre dans ses bras et la faire tournoyer sous les milles feux des lustres illuminés par les bougies. Il sent les doigts de la demoiselle se relâcher des siens. Elle se fait entrainer inévitablement au large, loin de lui, vers des contrés inconnus. Son cœur se met à battre étrangement. Il essaie de la serrer, mais rien à faire.

Alors il se retourne pour essayer de la saisir un peu plus, mais une courtisane imposante, fardée comme personne, couvertes de rubis se jettent sur lui en roucoulant d’une manière qui avait probablement pour but de lui donner un air ingénu, mais qui la rendait surtout on ne peut plus ridicule. Il essaie de la repousser d’un mouvement de rage, mais elle ne fait que revenir vers lui. Encore et encore. « Mon cher chapelier. Comment allez-vous ? Si vous savez comment vous me manquez tant ? » Son frère semble avoir des goûts étranges en matière de femmes. « Mal. Vous venez de me retirer la possession de la plus belle des créatures. » Elle glousse. Elle semble être ravie de la tournure que prend les évènements contrairement à lui. « Et puis-je savoir le nom de cette jeune femme ? » Il ne répond pas tout de suite. Il la sent frémissante, pressante à ses côtés. Il le cherche, elle, ce bel oiseau tombé des cieux. Finalement il jette un regard méprisant à la femme. « Une chose est certaine, cela n’est point le votre. » Elle le relâche et affiche un air outré. Bien. Ne vient-il pas de rendre service à son frère de cette manière ? Avoir des relations avec une telle femme est indigne de tout homme, même de Nathaniel qui est au dire des rumeurs prêt à tout pour coucher avec n’importe quelle femme. Pour sa part il trouve ceci plutôt pitoyable, mais que voulez-vous quand on est désespéré comme son frère… Et maintenant le voilà seul. Avec pour seul satisfaction d’avoir faire mauvaise réputation à son frère. Il erre, perdu, parmi toutes ces femmes qui n’ont plus de saveurs, plus le moindre intérêt, elles sont toutes trop fardées, trop fausses, elles ne sont pas elle.